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Documents Jacques des Plancques


Cette partie est destinée à commenter des documents importants, soit reproduits ici même soit assortis de liens les rendant accessibles sur d’autres sites.


Sommaire :

  • Lettres patentes du 29 novembre 2024 reconnaissant le titre héréditaire de prince en Belgique : une œuvre d’art exceptionnelle.
  • Mariage et donation du duché de Sully en 1808

LETTRES PATENTES DU 29 NOVEMBRE 2024 RECONNAISSANT LE TITRE HÉRÉDITAIRE DE PRINCE EN BELGIQUE :


Une œuvre d’art exceptionnelle

Remise des lettres patentes au prince de Béthune par M. Maxime Prévot, ministre belge des Affaires Étrangères. Palais d’Egmont, le 19 juin 2025.

Le 29 novembre 2024, la maison de Béthune a vu reconnaître, pour la troisième fois, son titre de prince dans le Royaume de Belgique. Les lettres patentes qui ont été confectionnées nous permettent de parler quelques instants de cette reconnaissance, puis de l’œuvre d’art que constitue cet objet exceptionnel.

 

Un acte royal

 

            Pour bien saisir ce point juridique, rappelons succinctement que le titre héréditaire de prince a été octroyé en 1781 par l’Empereur Joseph II du Saint-Empire à Eugène-François-Léon, alors marquis de Béthune Hesdigneul (1746-1823) (extrait).

Ce titre a immédiatement été reconnu en France par Louis XVI, non seulement pour ce prince de Béthune mais aussi sa descendance (archives du Pas-de-Calais). La noblesse et les titres ayant été supprimés à la Révolution, Louis XVIII les a rétabli par la Charte et, malgré les aléas législatifs, ils se sont maintenus jusqu’à présent. Ce qui fait que, depuis lors, il y a toujours eu, pour la France, un prince de Béthune.

 

            Dans les territoires qui devinrent la Belgique, la noblesse et les titres ont également été supprimés mais, contrairement à la France, ils n’ont jamais été rétablis. En effet, Guillaume d’Orange, Roi des Pays-Bas, créa une nouvelle noblesse à la chute de Napoléon. Une branche de la maison de Béthune, qui descendait du troisième fils du premier prince, fut intégrée en 1816 à la noblesse hollandaise sous le titre de comte (copie conforme des lettres patentes ; traduction). La Révolution belge de 1830 donna naissance à la Belgique qui, elle, intégra la noblesse hollandaise de son territoire pour en faire le ferment de la noblesse belge. En 1888, le Roi Léopold II reconnut au 6e prince de Béthune français, mais qui possédait des terres en Belgique, non seulement sa noblesse mais aussi son titre (lettres patentes). Précisons ici que, sauf cas contraire, une faveur nobiliaire est donnée à une personne en particulier et, si elle est héréditaire, à ses descendants uniquement et non à une branche collatérale. Or ce 6e prince n’ayant pas d’enfant, le titre s’est éteint avec lui. Son cousin, le comte Auguste de Béthune, demanda alors une nouvelle reconnaissance du titre en 1932, qui lui fut octroyée par le Roi Albert 1er (lettres patentes). Cette branche s’étant éteinte à son tour en 1976, le 10e prince de Béthune n’était pas reconnu comme tel en Belgique. Il dut, lui aussi, faire une demande pour lui-même et sa descendance qui aboutit en 2024.

 

Cependant, au-delà de cette reconnaissance d’un titre exceptionnel, l’originalité de cette reconnaissance réside aussi dans la concession de la réversibilité en faveur d’une branche puînée, fait extrêmement rare. En effet, conscient des vicissitudes temporelles et désirant perpétuer le rang de sa maison, le prince de Béthune actuel demanda au Roi Philippe, qu’en cas d’extinction de sa branche, la faveur puisse rejaillir sur la branche puînée, sans qu’elle n’ait besoin d’une potentielle quatrième reconnaissance. Cette faveur lui fut également octroyée.

 

Consultez ici les lettres patentes originales de Reconnaissance du titre héréditaire de prince par Philippe, Roi des Belges, avec clause de réversibilité et extension d’armoiries

 

Une œuvre d’art

 

            Au-delà de ce qu’elles représentent, ces lettres patentes constituent une véritable œuvre d’art, tant du point de vue esthétique, que scientifique, cela par la technique historique utilisée, parfois même exhumée de recettes ancestrales.

 

Hélas, une photographie ne rapportera jamais véritablement le rendu de ces lettres patentes, car elles impliquent notamment de nombreux reflets sur les dorures et l’ « argenture ». Il est donc nécessaire de les avoir en main pour se rendre compte de leur exception qui tend à la perfection.

 

 

 

 

En effet, la reliure de ces lettres patentes est en chèvre liégée main 1er choix vieux rouge,  les gardes sont en feutrine Sue-Del luxe et la dorure en or véritable 22 carats. Les écritures et enluminures ont été réalisées sur parchemin d’agneau blanc français. L’écriture, clairement inspirée des manuscrits florentins de la Renaissance, est dite humanistique, ou littera antiqua, celle que ces humanistes italiens avaient inventée afin de la rendre universelle, alliant l’harmonie de la minuscule caroline, apparue sous Charlemagne, à l’esthétique du XVe siècle.

 

 

On retrouve, dans ce chef d’œuvre, deux types de dorures : celle à la feuille d’ « or spécial restauration » certifié 23,75 carats, et celle en poudre « or sèvres » 98000. Trois techniques historiques ont été utilisées pour les réaliser. Premièrement l’or à la coquille où ce métal précieux est réduit en poudre puis mêlé à de la gomme arabique et du miel, pour se transformer en peinture d’or qui permet d’avoir un travail au trait. Ensuite, l’or sur mordant, formant un enduit à base d’œuf et de miel qui permet cette fois de travailler de larges surfaces, à plat. Enfin, l’or sur gesso, enduit réalisé à base de blanc de plomb et de colle animale qui permet de travailler l’or en relief.

 

L’ « argenture », afin d’éviter tout oxydation, est composée en fait d’aluminium qui autorise, à l’instar de l’argent, profondeur et reflets.

 

Différents pigments historiques ont été utilisés : pour les bleus, le lapis lazuli et l’indigo ; pour les rouges, la cochenille et la garance. D’autres terres naturelles ont encore été employées.

 

Quant à la symbolique, elle est prégnante dans les enluminures.

Nous retrouvons parmi les pierres, le saphir, considéré comme une véritable panacée. On le pensait permettre de guérir quasiment tous les maux tant du corps que de l’esprit. « Gemme des gemmes » dès le XIIIème siècle, cette pierre du même bleu que le lapis lazuli, symbolise le culte marial et devient la pierre des rois. Nous avons immédiatement à l’esprit, la dynastie des Capétiens qui met le bleu à l’honneur en adoptant le blason « d’azur semé de lys d’or ».

La perle ensuite, qui, par la douceur de son éclat et la perfection de ses formes, est considérée comme lunaire et féminine. Les lapidaires nous racontent que les coquillages se nourrissaient de rosée pour faire éclore leurs perles. Elle symbolise ainsi la pureté et la perfection.

Le rubis est la pierre de l’organe du cœur, et donc des sentiments. Il permet d’être aimé de tous et d’éprouver des « émotions positives ». On lui voyait aussi des vertus énergisantes et revitalisantes. Pour se sentir mieux, il suffisait de regarder cette pierre, et, l’eau dans laquelle avait trempé un rubis servait de remède aux animaux.

L’émeraude, dans la symbolique chrétienne, incarne la foi et l’espérance. Sa couleur verte en fit le symbole de l’eau et de la pluie fécondante. On dit qu’elle redouble d’activité au printemps, lorsque tout reverdit. Selon Pline l’Ancien, l’émeraude aurait des vertus ophtalmiques, et les graveurs de pierres avaient pour habitude de la contempler afin d’apaiser leur vue.

 

Dans ces lettres patentes, on retrouve aussi des végétaux : la rose, une évidence qui représente l’amour, la pureté, le rosaire et, surtout, la Vierge Marie, mère du Christ. Le lierre figure la vie éternelle, le dévouement et la fidélité tandis que le lys fait référence à la pureté. Ce dernier est encore un attribut de la Vierge et renvoie à la Royauté. Ces références sont aussi un rappel de la fidélité et du dévouement de la maison de Béthune tant pour la Sainte Trinité et l’Immaculée Conception, que pour la royauté française, elle qui fut immanquablement fidèle aux Bourbons à travers l’histoire, même dans l’adversité.

 

La corne d’abondance, portant bien son nom, représente la pérennité. C’est ce que ces lettres confortent dans la concession de la transmission de la faveur royale à la branche cadette en cas d’extinction de l’aînée.

 

Une maison n’est évidemment rien sans ses alliances. Ainsi, quelques références héraldiques ont été insérées dans les enluminures. Leur choix a notamment été guidé par l’ascendance directe du 10e prince de Béthune, mais aussi la possibilité artistique d’une intégration.

Nous retrouvons la rose d’argent de la maison d’Hesdigneul qui s’éteignit dans celle de Béthune au début du XVe siècle. Elle donna son nom à la branche aînée des des Plancques.

On retrouve encore le soleil d’or des Le Vaillant de Bousbecque, maison dont est issue la première princesse de Béthune. Cette famille s’était alliée auparavant avec les Waudripont (Wattripont), de la maison de Cordes, qui portaient des lions cul à cul de gueules, et qu’on retrouve aussi dans des lettrines.

Le peigne de gueules des marquis de Maillen est également présent, rappelant une alliance du XIXe siècle avec cette maison qui s’éteignit dans celle de Béthune. Nous n’oublions pas non l’alliance actuelle du prince de Béthune avec la maison van der Straeten de Rysinghen qui porte, comme meuble principal, une anille de sinople.

 

Ainsi, ces lettres patentes ont comme fin première de dire un droit. Elles sont encore aujourd’hui une expression artistique qui démontre que l’harmonie est toujours bien présente en ce monde et que le savoir ancestral peut se perpétuer ou, même, rejaillir.

 

Artistes :

Enluminures et calligraphie : Mme Vetro : https://www.aurelievetro.com

Reliure et étui : M. Michel Fassin : https://www.pelain.be

 

Bibliographie :

  • Le chevalier Braas, La législation nobiliaire en Belgique, Bruylant, Bruxelles, 1960 (consultable en ligne).
  • Charles-Éric Clesse, Liste civile et dotations royales Droit nobiliaire, Répertoire pratique du droit belge, Larcier, Bruxelles, 2020.
  • Encyclopédie des symboles, La Pochotèque, Le Livre de Poche, 2000.
  • Valérie Gontero-Lauze, Les pierres du Moyen-Âge, Les belles lettres, 2016.
  • Lucia Impelluso, La nature des symboles, coll. Repères iconographiques, Hazan, 2004.
  • Charlotte de la Tour, Le langage des fleurs, 9e éd., Garnier frères, Paris, 1863 (consultable en ligne).

Le 22 juin 2025


MARIAGE ET DONATION DU DUCHÉ DE SULLY EN 1808

Cheminée Sully sur Loire armoiries Béthune des Plancques Hesdigneul

Cheminée de la salle à manger du château de Sully-sur-Loire où figurent les armoiries Béthune Sully et Béthune Pénin.

Pour le mariage de Marie, Louis, Eugène, Joseph, Comte de Béthune Pénin, veuf en premières noces d’Isabelle Claire Eugénie de la Viefville, morte sur l’échafaud, et d’Anne Albertine Joséphine Marie de Montmorency Luxembourg, la corbeille de mariage sera patrimoniale.

Dans le contrat de mariage, dont l’expédition est reproduite ci-dessous, la future mariée est assistée de ses parents :

  • Anne-Christian de Montmorency Luxembourg, Duc de Beaumont
  • la Duchesse de Beaumont, née Armande Louise Marie de Becdelièvre de Cany,
  • la Duchesse de Beaumont douairière, née Éléonore Josephe Pulchérie des Laurents, veuve de Charles François Christian de Montmorency Luxembourg, Duc de Beaumont, Prince de Tingry.

Il était d’usage alors de « doter » les mariés, et les donataires figurant dans le contrat sont la mère de la mariée, et la Duchesse de Béthune Sully, née Alexandrine, Bernardine, Barbe, Hortense d’Espinay-Saint-Luc, veuve de Maximilien Gabriel Louis, 8e Duc de Béthune Sully, et mère du 9e et dernier duc.

Étaient notamment témoins à la signature de ce contrat, du côté du futur marié :

  • Eugène-François-Léon, Prince de Béthune Hesdigneul « ancien officier général, et ancien Chambellan de sa majesté l’Empereur d’Autriche »,
  • Maximilien Guillaume Auguste, Marquis de Béthune Hesdigneul « aussi ancien chambellan du Roi de Prusse… », fils du précédent, tous deux cousins du futur marié;
  • Gabrielle Louise de Châtillon, Duchesse Douairière de Béthune Sully, veuve de Maximilien Antoine Armand de Béthune, 7eDuc de Sully;
  • Armand Louis Jean, Marquis de Bartillat, mari de Caroline de Béthune, nièce du Prince de Béthune précédemment cité ;
  • Eugène Alexandre de Montmorency Laval, futur Duc, et son épouse Maximilienne Augustine Henriette de Béthune Sully, nièce de la duchesse de Béthune Sully, veuve du fils du dernier duc de Béthune Charost, « cousin et cousine des deux côtés« 
  • Anne Pierre Adrien de Montmorency Laval, cousin, futur Duc, futur ambassadeur et ministre des Affaires Étrangères (il y a une confusion dans l’expédition du contrat entre ce personnage et son frère qui précède)

Du côté de la future mariée, notamment :

  • Anne Louis Christian de Montmorency Tancarville, futur Prince de Robech, député, Pair de France, et son épouse née Marie Henriette de Becdelièvre Cany « tante de la future »
  • Georges Léonard Bonaventure, Marquis de Tramecourt, futur député puis Pair de France (qui a épousé la sœur aînée du marié)
  • Anne Charlotte Marie Henriette de Montmorency Tancarville, cousine germaine (par les Becdelièvre). Elle épousera Emmanuel de Cossé-Brissac.
  • Louis Justin Marie Marquis de Talaru, cousin de la mariée, futur Pair de France, ambassadeur, Ministre…
  • Anne Françoise Charlotte de Montmorency, dame du Palais, veuve de Anne Léon, duc de Montmorency, cousine germaine
  • Anne Charles François de Montmorency, Duc de Montmorency, Pair de France, cousin
  • Alexandre Louis Auguste, duc de Rohan Chabot, Pair de France et son épouse Louise Madelaine Elisabeth de Montmorency
  • Louis François Auguste de Rohan-Chabot, fils du précédent, futur Duc, et Armandine Marie Georgine de Seran (sic) son épouse. Veuf, il deviendra Archevêque puis Cardinal
  • Anne Louis Ferdinand de Rohan Chabot, futur duc après son frère qui précède,
  • Louis Félicité, futur Marquis d’Etampes
  • Le Comte Louis Charles de Sainte Aldegonde et son épouse née Joséphine Marie Madeleine de Sourches de Tourzel, beau frère et sœur de la dernière duchesse de Béthune Charost
  • Albertine Philippine Constance Joséphine de Sainte Aldegonde Dinecourt, sœur du précédent, qui épousera le Marquis de Vassinhac d’Imécourt, futur député et Pair de France.

L’article six donne la motivation de la donation qui va suivre : « […] Madame veuve de Sully […] successivement privée d’un époux et d’un fils, dont la perte a fait passer dans ses mains des biens qu’il lui tarde de replacer dans leur maison comme un gage de ses sentiments pour eux, et encore dans l’espoir de voir revivre, et se perpétuer le nom De Sully.

Ne voyant rien qui s’oppose (en se conformant aux lois) à la condition qu’elle va imposer à monsieur De Bethune futur époux, de faire toutes les démarches et de solliciter toutes les autorisations nécessaires pour avoir la faculté d’ajouter à son nom celui De Sully.

A fait, et fait par le présent contrat de mariage et d’après les considérations sus exprimées la Donation entre vifs, irrévocable, et en la meilleure forme que donation puisse valoir.

A mondit Sieur Marie Louis Eugène Joseph De Bethune Penin, futur époux ce que acceptant avec Reconnoissance.

Des biens Immeubles et Rentes dépendant des ci-devant duché pairie de sully, comté de Bethune et de Montgomery, et marquisat de Lens désignés détaillés […].

Cette donation est ainsi faite, parce qu’elle est la volonté de Madame de Sully.

Et en outre à la charge par monsieur De Béthune qui s’y oblige, mais pour le cas seulement  et non autrement où il en obtiendrait l’autorisation d’ajouter à son nom De Bethune, celui de Sully. […].»

La donation de la duchesse de Sully est d’une valeur de près d’un million de francs de l’époque, à cela s’ajoutent six cents mille francs offerts en dot par la duchesse de Beaumont à sa fille (article 3)…

La corbeille est garnie du duché-pairie de Béthune Sully, composé :

  • du château de Sully-sur-Loire (35 hectares), sa basse-cour et bâtiments divers (10 ha), ses prés et prairies (58 ha), auxquels s’ajoutent de nombreuses fermes louées, la forêt de Sully (268 ha), un château en ruine, des étangs, etc. Auxquels s’ajoutent différentes rentes ;
  • des domaines et terres situés à Béthune (plus de 164 ha)
  • des terres de Lens (62 ha)
  • des terres de Montgommery, dans l’Orne et le Calvados (comprenant 215 hectares, des halles un moulin, des maisons…)

Ces domaines de Béthune, Lens et Montgommery avaient été échangés entre le Duc de Sully et le Roi de France, contre la principauté d’Henrichemont et Boisbelle en 1766, 1778, 1780, 1784…

Le comte de Béthune Pénin mourra en 1812, année de naissance de son second fils Charles, soit quelques années avant l’autorisation de la relève du nom de Sully par sa veuve qui aura lieu en 1816 (voir diplômes).

Ce document inédit, qui provient des archives de la branche de Béthune Pénin, est à découvrir ici :

Contrat mariage et donations à l’occasion du mariage de Louis Eugène, Comte de Béthune Pénin avec Anne Albertine Joséphine Marie de Montmorency Luxembourg

Les 28 et 29 mai 1808 chez Maîtres Serize et Hua à Paris.

À noter, la noblesse était alors abolie, et seuls les titres nobiliaires du premier Empire étaient alors autorisés. Ne figure donc sur l’acte, aucun titre de noblesse.

Le 16 mai 2020